[essai] Une fois de plus, une fois de moins...

Eva ferme la porte de sa chambre en prenant soin de ne pas trop la claquer de manière hostile. Ses yeux d'un gris cristallin ne cillent plus maintenant. Elle a appris. Appris que lorsque les adultes, et tout particulièrement son satané père, vous font du mal, il ne faut pas réagir. Rester impassible. De marbre. Ne rien laisser transparaître. Jamais. Sinon ils gagneraient. Sinon ils sauraient réellement tout le mal qu'ils font. A eux. Aux enfants.

Ce qu'il vient de se passer en est une preuve réelle : Son père l'a menacée, encore. Pour rien. Il voulait la priver de ce qui lui était le plus cher. Le plus cher. Elle a soutenu son regard sans ciller, mais si ses yeux avaient été des revolvers, elle l'aurait tué. Et sans hésitation, bien que ce soit son propre père. Elle a haussé les épaules, l'air de dire "qu'est-ce que je m'en fou". Comme un 'je m'en foutiste'. Une précisément. Son père s'est alors encore plus énervé. Il l'a encore frappée. Fort. Plus fort que d'habitude. Mais après tout... une fois de plus, une fois de moins...

Sa chambre, c'est sa caverne. Son refuge. Ici, personne ne peut plus l'atteindre, personne ne peut plus lui faire de mal. Ni lui, ni personne. Eva s'endort, une vilaine coupure sur sa joue enflammée. Sur sa petite joue poupine de fillette de six ans.

Déjà le lendemain. Eva prépare ses affaires d'écolière, mange un rapide déjeuner et sort de la maison en courant. Espérant qu'il ne la verrait pas... Une main immense, dure, s'abat sur sa frêle épaule. Un frisson de terreur la traverse de pars en pars.

-Bonne journée ma chérie ! dit alors son père en lui embrassant la joue endolorie de la veille.

Eva sait que tout cela n'est qu'une couverture. Elle baissa les yeux, inspire longuement avant de courir à toutes jambes vers son école. Sans dire au revoir, sans se retourner. C'est la première fois qu'elle en a le cran. Elle sait qu'il va encore la frapper, d'ailleurs, elle entend ses pas sur le bitume derrière elle. Il hurle. Elle ne comprend pas quoi, mais elle a peur. Une peur immense, tonitruante dans son petit corps innocent. Il va encore la frapper. Une fois de plus, une fois de moins...

Son cœur tambourine à une vitesse infernale dans sa poitrine. Elle a peur, oui, elle a peur. Les minutes se font heures et les secondes éternités. Le portail. Le portail vert de l’école. Presque arrivée. Juste là… A quelques pas…

Soudain, elle tombe en arrière, tirée par un bras titanesque. Son père. Il la regarde de haut, de son regard naturellement méchant, meurtrier. Il la tire derrière lui, l’emporte juste à l’arrière du bâtiment de l’école. Eva ne dit rien. Elle sait. Elle attend. Et ça arrive. Le cuir entame sa chair de petite fille de son dos, de son ventre, de ses bras et de ses jambes. Tout n’est que souffrance et désespoir. Elle ne comprend pas pourquoi sa vue se brouille, pourquoi un noir profond, mauvais, la happe soudain. Elle ne peut plus lutter contre la souffrance physique qu’elle endure mais elle ne pleure pas. Elle ne sait plus pleurer. Elle attend la fin. Pas un gémissement, pas une seule plainte ne s’est élevé de son gosier. Son corps de fillette a refusé de tomber, de se courber. La douleur est immense, unique, rien ne semble plus pouvoir l‘arrêter…

Eva ouvre les yeux. Tout est blanc autour d’elle. Blanc et lumineux. Cela est donc fini ? De légers murmures résonnent à ses oreilles. Une odeur de désinfectants et de pansements rode dans l’air. Une femme tout de blanc vêtue s’approche d’elle, lui sourit. Eva veut parler. Mais aucun son ne veut sortir de sa gorge. Ses yeux lui brûlent. Elle les ferme énergiquement. Elle fait fonctionner chacun de ses muscles un par un pour vérifier leur bon fonctionnement, malgré la douleur qui afflue à nouveau jusqu’à son cerveau, bien qu’elle soit sous perfusion. Jambe droite, pied droit. Tout va bien. Jambe gauche, pied gauche. Pareil. Elle sent des bandages sur son abdomen et dans son dos. La petite fille force sur ses paupières. Bras droit, main droite. Ça fonctionne. Bras gauche, main gauche. Tout… Mais non ! Rien n’a réagi ! Elle sursaute de surprise. Son bras ne répond plus ! Elle force sur sa nuque pour voir un semblant de quelque chose… Il n’y a plus rien ! Plus de coude, plus de main !

-Elle va s’en remettre, nous avons intervenu au dernier moment, une voix monotone s’élève. Elle n’étais plus consciente. Son père la battait. Il la tenait dans ses bras. Lorsque nous avons essayer de le raisonner, il a sorti un pistolet. Il nous a visé ! Un agent est passé derrière lui et lui a attrapé le bras alors qu’il tirait. Avec le mouvement, la balle n’est pas partie vers nous, mais a transpercé l’avant bras de la petite. Nous avons dû l’opérer pour une ablation de ce dernier. La pauvre… Voilà mon rapport !

Eva ferme les yeux. Un gémissement, un seul. Le premier. Une peur. Un affolement. Pourquoi ? Maintenant… Mais comment ?

Des images lui revinrent en mémoire. L’arrière de l’école. Non ! … Mais pourtant… si !

Un cristal perla sous la paupière close d’Eva. Une larme. Sombre. Encore unique. Tant refoulée. Cette larme, qui a tout changé…

Une fois de plus... Une fois de trop.

J'aime vraiment le style, c'est assez incisif, mais génial!

J'ai remarqué une incohérence au niveau des temps. Tu mets tout au présent, mais à un moment tu écris : "Elle baissa les yeux". Et "je m'en fou", je crois qu'il y a un s
Voilà, et bravo^^

oui, tu as raison, merci Wink

mais le présent, c'est fait exprès !

et bien moi j'avais rien vue de tout sa ^^

C'est pas le fait que le texte soit au présent que je remets ne cause, c'est très bien comme ça! C'est juste que le verbe au passé devrait être au présent normalement!

Oui, je sais, mais je ne vais pas éditer parce que sinon les autres vont se demander si tu n'es pas folle... Rolling Eyes

Merci ! Mais ils peuvent se demander, c'est probablement vrai...XD

mdr...

[faut pas le dire... discretion, discretion ! xD]

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